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Un texte de Jacques Bouzerand
J’ai rencontré les photographies de Jean-Paul Dumas-Grillet soudain. Comme il se doit. Par surprise presque. Une d’abord, celle d’une fenêtre, prétexte ( ?), qui m’a ferré par sa simplicité d’évidence. Et sa rigueur, sa sècheresse mallarméenne. Sa géométrie parthénienne. Rien qui déborde, rien qui bave, rien qui ruisselle. C’est centré. Net. Concentré. Scotchant le regard. Mais ouvert par la perspective offerte sur tous les possibles, toutes les aventures... Bref, une photographie riche en elle–même comme peut l’être une peinture abstraite de Franz Kline ou une nature morte de Giorgio Morandi. C’est simplement beau.
Et puis j’en ai vu d’autres des photographies de Jean-Paul Dumas-Grillet, cherchées, sollicitées. Et à chaque fois j’ai été confondu par la puissance contenue de chaque image. Visages, arbres, rochers, miroirs, escaliers, portes, tables… chaque vue est un paysage mental. Précis comme chez Edward Hopper et Raymond Roussel. Indéfini dans son intension ( et son intention ), infini dans son intensité. Un sujet et une question. Une interrogation qui renvoie à sa propre mémoire comme à celle de l’artiste. Avec ce sentiment de « déjà-vu », ( plus savamment de paramnésie ), qui est un des mystères de la perception ( et de la poésie ).
Pas étonnant que Jean-Paul Dumas-Grillet cite dans un de ses portfolios cette phrase de Cesare Pavese : « Il faut savoir que nous ne voyons jamais les choses la première fois, mais toujours la seconde. Alors nous les découvrons et en même temps nous nous les rappelons » Ces vues, en effet, tiennent à la fois du conjoncturel, du hasard, de l’éphémère… (la rencontre, le passage, la lumière, le vent…) et du permanent, du stable et du constant. Fixé dans l’instant qui compte le temps se fait éternité.
Jacques Bouzerand